L’actu du 27 mars 2023 /
Des prix du gaz qui grimpent en flèche et entrainent dans leur sillage ceux de l’électricité puis une grande partie de ceux des biens de consommation. Cette « crise » des prix, qui a touché l’Union européenne à l’automne 2021 et plus encore mi 2022 après l’invasion russe en Ukraine a remis en question le fonctionnement du marché européen de l’énergie. Une construction complexe, lancée dans les années 90, qui doit désormais tirer des leçons de la crise.
Le 14 mars dernier, lorsque la Commission européenne présente sa réforme du marché de l’électricité elle insiste sur l’objectif : faire baisser les factures des Européens. Eviter que la situation géopolitique (un approvisionnement en gaz tari par la reprise économique post-covid ou par le chantage énergétique russe) impacte directement les prix payés par les citoyens de l’Union pour se chauffer, s’éclairer, etc.
La solution, la Commission a mis du temps à l’accepter car il s’agit d’interroger trente ans de construction du marché européen de l’énergie. C’est bien ce système que certains accusent de n’avoir pas su stopper la flambée des prix.
L’exécutif européen propose finalement de le réviser, mais à la marge seulement. Les fondamentaux fixant notamment les prix du gaz et de l’électricité à chaque instant (marchés dit « de court terme ») seront conservés.
Les règles communes du marché de l’électricité
D’ou viennent ces « fondamentaux » ? Dans les années 1990s, la construction européenne visait à unifier les prix payés par les consommateurs d’énergie partout en Europe. Les «zones de marchés» qui correspondent aux pays membres dans la plupart des cas, interagissent entre elles. L’Espagne peut acheter de l’électricité des centrales nucléaires françaises par exemple. Résultat : les prix se rapprochent les uns des autres grâce à ces échanges. Pour faciliter ces derniers, il a fallu se doter de règles communes.
Il a notamment été décidé que le prix de l’électricité produite à l’instant T ne dépend pas du type de centrale (éolienne, charbon, centrale à gaz, etc) qui la produit. Sinon il y aurait une multitude de prix différents selon la provenance des électrons et il faudrait tracer, dans chaque maison, de quelle centrale vient l’électricité produite. En Europe tous appliquent une règle simple : le prix de l’électricité dépend de celui fixé par la dernière centrale qui a fourni des électrons (elle-même fixant ce prix en fonction de son coût de production).
Et si elle est la « dernière », c’est que l’ordre d’utilisation des centrales est aussi dicté par les règles du marché européen commun. Selon ces dernières, pour satisfaire la demande, les centrales renouvelables (solaire, éolien, etc) seront d’abord sollicitées. Puis, lorsqu’elles ne suffiront pas, les centrales nucléaires entreront en action. Et ainsi de suite jusqu’aux plus polluantes comme les centrales à gaz et à charbon. Ces dernières appelées sont aussi les plus chères : il faut en effet acheter le gaz et le charbon pour produire l’électricité. Alors que le vent ou le soleil sont gratuits.
Voilà comment, lors d’une forte demande d’électricité, les centrales électriques fonctionnant au gaz entrent en jeux et fixent, automatiquement, le prix de toute l’électricité produite au même instant. Donc quand le prix du gaz est cher, celui de l’électricité devient aussi très cher et le système s’enraye.
Retour sur la crise
C’est ce qui s’est passé à l’automne 2021 et plus encore, à l’été 2022. Certains pays, comme la France, ont accusé le système européen.
Pourquoi notre pays qui a construit de nombreuses centrales nucléaires, produisant de l’électricité bien moins chère que les centrales à gaz, doit-il appliquer un prix de l’électricité fixé par des règles européennes qui ne prennent pas en compte le prix bas de l’électricité nucléaire ? Voilà l’argument de certains, au gouvernement français, qui demandaient donc à Bruxelles de bien vouloir corriger les règles de marché pour éviter que la situation ne perdure ou ne se reproduise.
Une réforme très ciblée du marché
L’exécutif européen a entendu ces arguments et proposé une réforme « ciblée » selon les termes de la commissaire à l’énergie, Kadri Simson. Pas question de révolutionner le système. Hors période de crise, affirme-t-elle, il fonctionne très bien. D’ailleurs même en temps de crise, les défenseurs des règles européennes expliquent que le problème ne vient pas du marché européen mais de la dépendance de l’UE à des sources d’énergie produites hors de l’Union et trop souvent fossile. En construisant plus d’énergie « verte », on aurait moins besoin d’appeler les centrales aux gaz à la rescousse et les prix de l’électricité ne seraient donc plus dépendants de ceux du gaz.
Pour toute ces raisons, la Commission n’a pas proposé de toucher aux règles de fixation des prix à l’instant T. Ce que Bruxelles voudrait encourager plutôt ce sont des contrats plus longs entre un consommateur (une grande entreprise ou un ensemble de ménages) et un producteur d’énergie. L’exécutif européen veut que le prix soit fixé à l’avance voire même garanti par l’Etat pour le rendre moins dépendant des fluctuations à chaque instant sur le marché international de l’énergie.
Un gros consommateur industriel pourrait par exemple savoir que, pendant 5 ans, il paiera l’électricité 50 euros par mégawatt heure. Si le prix « réel » sur le marché à court terme où s’approvisionne son fournisseur d’énergie est plus élevé alors l’Etat peut compenser la différence en rémunérant le fournisseur. Si le prix du marché est plus bas alors le fournisseur doit reverser à l’Etat cette différence.
La réforme proposée vise aussi à protéger davantage les consommateurs les plus pauvres en interdisant les coupures d’électricité pour certaines catégories de la population. Elle rend aussi automatique, en cas de crise des prix, la mise en place de tarifs régulés (des prix du gaz et de l’électricité fixés par l’Etat au même niveau pour un même type de consommateur. Ils existent déjà en France mais c’est une des exceptions au niveau européen).
Prochaines étapes
Maintenant que le texte de la Commission est sur la table, Parlement européen et Etats membres devront l’analyser, séparément et le modifier à leur guise. Une fois leur position respective adoptée, il faudra se mettre d’accord sur le texte final de la réforme.
Les institutions veulent aller vite pour que leur révision du marché empêche une nouvelle flambée des prix dès l’hiver prochain.
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