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L’Europe face aux géants d’internet
L’actu du 17 mars 2021 /
Depuis la mi-décembre, l’Union européenne se rêve en « gendarme » des GAFAM (Google – Amazon – Facebook – Apple – Microsoft). La Commission européenne a présenté deux régulations, pour contrôler les contenus et la concurrence des grandes plateformes numériques implantées dans l’Union.
Pour le commissaire européen au Marché intérieur, le français Thierry Breton : il n’est plus question qu' »Internet soit un Far West » en Europe. C’est bien l’objectif des deux textes juridiques présentés par Bruxelles : le « Digital Services Act » (DSA) et le « Digital Markets Act » (DMA). Toutes les plateformes comptant plus de 45 millions d’utilisateurs seront concernées.
Le DSA entend lutter contre la haine en ligne et la désinformation en proposant de nouvelles règles pour responsabiliser les utilisateurs, les plateformes elles-mêmes et les autorités publiques. Les géants du net seront notamment forcés à retirer des contenus illicites dans des délais courts. Quant aux internautes que nous sommes, nous pourrons par exemple plus facilement contester la suppression des contenus par les plateformes. Le but est aussi de permettre une meilleure connaissance des vrais vendeurs qui sont derrière les produits achetés sur Amazon, par exemple.
Le DMA quant à lui, veut réguler les pratiques déloyales et de concurrence entre les grandes plateformes en ligne, abusant bien souvent de leur quasi-monopole sur internet. C’est notamment le cas quand Apple refuse l’accès de certaines applications à ses appareils (iPhone, iPad,…), par exemple. Le gendarme de la concurrence de l’UE, la commissaire européenne Margrethe Vestager a également insisté sur une autre obligation pour les plateformes : « fournir plus d’informations sur le fonctionnement de leurs algorithmes et dire comment elles décident des informations et produits qu’elles nous recommandent, de ceux qu’elles cachent ». Ces géants devront également expliquer qui paie pour les publicités que nous voyons et pourquoi nous avons été ciblés. Selon la proposition de la Commission européenne, l’amende pourrait désormais atteindre 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise. Il serait également possible pour Bruxelles, d’interdire à une plateforme d’opérer sur le marché européen « en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquence la mise en danger de la sécurité des citoyens européens ».
Il s’agit de renforcer les règlementations existantes comme la directive e-commerce qui a plus de dix ans ou plus récemment le Règlement de 2016 pour la protection des données (RGPD). En France, le gendarme du numérique, la CNIL condamne régulièrement Google ou Amazon lorsque ces plateformes abusent de leur monopole en utilisant par exemple nos données personnelles à des fins publicitaires. Mais pour l’heure, la suppression de contenus, la manipulation, la propagande en ligne ne sont pas encadrées directement par le droit européen.
Ces nouvelles ambitions européennes pourraient même inspirer d’autres puissances. Les États-Unis discutent actuellement de la possibilité de forcer les géants du numérique à se séparer de certaines de leurs activités, en cas d’abus de monopole.
Mais le chemin est long pour les deux textes qui doivent encore passer entre les mains des co-législateurs : le Parlement européen qui représente les citoyens de l’Union et le Conseil de l’Union qui représente ses Etats membres. Une fois revus par ces deux institutions, DSA et DMA pourront être promulgués mais ne devraient s’appliquer qu’en 2023. Entre temps, le risque est grand que les lobbyistes de ces GAFAM se lancent dans une intense campagne d’influenceur pour tenter de vider les deux textes de leurs contenus les plus contraignants pour eux.