Dossier
L’Europe a-t-elle un problème chinois ?
L’actu du 25 mars 2019 mise à jour le 4 janvier 2021 /
En mars 2019, le Président chinois Xi Jinping était en visite officielle en France. Au programme : échange de cadeaux symboliques (un coq, un panda, un vase précieux, etc.), signature de contrats commerciaux, d’accords de coopération et discussions autour d’une réforme des règles du commerce international.
La rencontre Xi/Macron a d’abord fait grincer des dents nos voisins européens. En effet, ces derniers souhaiteraient désormais afficher un front uni face au géant chinois et éviter les rencontres bilatérales de ce genre.
Longtemps, les Etats membres se sont placés en concurrence pour attirer les investissements chinois. Profitant de cette division, la Chine a pu pénétrer le marché européen en rachetant des fleurons industriels ou en investissant dans les ports, aéroports et autres infrastructures de transport à travers l’Europe. Son projet de “nouvelles routes de la soie” lancé en 2013 prévoit des investissements de plus de 1 000 milliards de dollars dans des routes, des lignes de chemins de fer ou des liaisons maritimes pour mieux relier la Chine aux continents européen et africain.
Autre point de tension : la polémique autour des réseaux 5G et de l’entreprise chinoise Huawei, accusée par certains de favoriser l’espionnage des puissances étrangères par l’Etat chinois. Ces ambitions titanesques inquiètent et les Européens ne peuvent plus se permettre d’afficher leurs divisions face aux démonstrations de force de Pékin.
Ne souhaitant pas fâcher ses homologues et voisins, Emmanuel Macron a décidé d’inviter la chancelière allemande Angela Merkel et Jean-Claude Juncker, qui était alors président de la Commission européenne, à participer à la rencontre avec Xi Jinping. Le trio incarnait ainsi le tournant vers une stratégie européenne d’union, détaillée dans un accord politique adopté au Conseil européen peu avant la visite.
En effet, longtemps timides face à la puissance commerciale et diplomatique chinoise, les Européens se réveillent en adoptant une posture franche. La Commission n’hésite plus à qualifier la Chine de “rival systémique” et pointe du doigt ses investissements massifs dans les différents Etats membres. Le président Macron lui-même appelle à « une prise de conscience et la défense d’une souveraineté européenne » face à Pékin.
Le souci des Européens était notamment le déséquilibre des relations commerciales UE/Chine. En effet, bien implantée en Europe, la Chine n’ouvre, elle, que très lentement son marché aux entreprises de l’Union et continue à copier les technologies européennes. Cette visite chinoise en France marquait la dernière étape du président Xi en Europe. Celui-ci s’était déjà rendu à Monaco et en Italie – où les investissements chinois sont particulièrement importants et la position face à Pékin souvent plus conciliante.
Le sommet UE/Chine qui a eu lieu le mois suivant a permis d’afficher l’union des Européens face au défi chinois. Durant l’année suivante, marquée par la pandémie de Coronavirus, aucune étape majeure ne sera franchie dans l’évolution des relations entre les deux puissances.
Du moins, c’est ce qu’il semblait. En sous-main, les diplomates sont finalement parvenus a mener à son terme, un cycle de 7 années de négociations en vue d’un accord commerciale sino-européen.
Ainsi le 30 décembre, Pékin et Bruxelles ont annoncé être parvenus à un accord pour faciliter les investissements européens sur marché chinois, et vice-versa. Pékin a par exemple desserré les contraintes pour permettre aux européens d’investir dans le secteur automobile chinois.
De son côté, l’UE propose par exemple un accès facilité à son marché de production des énergies renouvelables. Si les télécommunications, les services financiers ou encore le transport aérien sont inclus dans l’accord, les domaines dits « stratégiques » (infrastructures d’acheminement de l’énergie, défense, agriculture) n’entrent pas dans le cadre de ce nouveau partenariat. Ainsi la Chine cesserait-elle d’être un « rival stratégique » comme qualifiée un an et demi auparavant ?
Déjà, des voix s’élèvent pour dénoncer le fait que Bruxelles ait fermé les yeux sur la question du travail forcé et le traitement des minorités Ouïgours par la Chine. La signature et la ratification du texte par les Etats-membres et les eurodéputés pourraient ainsi prendre de longs mois et susciter d’intenses débats.